Qui êtes–vous Tristan Estaque ?
Je suis biologiste marin de formation et chargé de mission scientifique chez Septentrion Environnement depuis 2021. J’ai intégré l’association lors de mon stage en Master 2 et je suis resté !
Quelles sont les missions de Septentrion Environnement ?
C’est une association qui se définit comme un Institut de recherche et de formation en écologie marine.
50% de notre activité porte sur des projets de recherche en écologie marine sur les écosystèmes côtiers (principalement en Méditerranée) et l’autre moitié est consacrée à la formation (lycées, Masters, Diplômes Universitaires).
Sur le volet recherche, nous menons des études sur les effets du changement global dans lequel on intègre le changement climatique et les pressions humaines sur les écosystèmes côtiers méditerranéens et les organismes qui les peuplent… les données collectées servent ensuite à la préservation des milieux.
Parlez-nous des gorgones rouges, objet du projet soutenu par la Fondation Crédit Mutuel Alliance Fédérale…
Les gorgones rouges sont des colonies de petits animaux et de polypes cousins des coraux tropicaux… Elles constituent les populations les plus visuelles les plus importantes en mer, celles aux paysages emblématiques les plus marqués mais également les colonies les plus sensibles aux changements de températures.
Les populations de gorgones rouges apportent le même service écosystémique que les arbres sur terre, on parle souvent de forêts animales en milieu marin… ces gorgones ont les mêmes fonctions que les arbres en forêt elles vont créer un microclimat sous la canopée. On va avoir des conditions de courants, de températures, de luminosité qui sont particulières sous cette forêt de gorgones comme sous une forêt d’arbres…
La forêt de gorgones va apporter le gîte et le couvert à de multiples espèces, un lieu de reproduction, un lieu de repos pour la nuit comme les arbres en forêt pour les oiseaux… Et en dessous, on va retrouver certaines espèces de coraux ou éponges qui ne vivraient pas sans les gorgones. Elles structurent progressivement un habitat 3D dans l‘espace marin.
Quel est l’enjeu autour des gorgones rouges ?
Le réchauffement climatique entraine leur déclin car leur thermo-tolérance se situe autour de 24-25 degrés, à cela s’ajoutent les pressions humaines sur leurs écosystèmes (bateaux, pêche, plongeurs…).
L’épisode de mortalité massive survenu en 2022 nous a convaincus de la nécessité de densifier les projets de recherches.
On connait très bien les populations de gorgones entre 0 et 30m de profondeur, il s’agit de la zone où il y a eu beaucoup de mortalité en 2022.
On connait également bien les populations qui vivent au-delà de 60m car il y a beaucoup de projets scientifiques sur ces zones.
On connait moins bien les populations installées entre 40m et 50m, c’est de là qu’est né ce projet d’étude car il s’agit très probablement des prochaines populations qui seront impactées par le réchauffement climatique.
Plusieurs étapes rythment ce projet : état des lieux, analyse des données et mise en place de suivis permanents des populations pour en suivre les évolutions.
Dans quel mesure le soutien de la Fondation Crédit Mutuel Alliance Fédérale vous a-t’il aidé ?
La Fondation Crédit Mutuel Alliance Fédérale nous a permis de réaliser l’étude la plus étendue géographiquement que l’on ait jamais faite en France à l’échelle de la Méditerranée, d’ailleurs aucun pays n’a réalisé d’étude aussi étendue sur sa façade littorale en Méditerranée…
Cela va nous permettre de publier une étude avec le plus gros jeu de données qui couvre la plus grande surface géographique jamais échantillonnée pour une seule espèce, une seule profondeur et une seule équipe de recherche.
La Fondation nous a permis de concrétiser ce projet très rapidement sur le terrain, ce qui est très motivant pour les équipes et fédérateur pour attirer d’autres financeurs sur nos projets.
Le mot de la fin Tristan ?
Il est primordial de financer des projets comme celui-ci, axés recherches et conservation des espèces qui souffrent du changement climatique et des pressions humaines.
On parle beaucoup de restauration écologique où on manque finalement cruellement de connaissances et il n’est pas toujours pertinent de partir sur des projets de restauration active.
Le plus efficace reste la restauration passive, la conservation, il suffit simplement de réduire la pression humaine sur les milieux ou parfois l’interdire lorsqu’elle est trop forte. Elle fonctionne en général mieux que la restauration active et coûte beaucoup moins cher.